La séparation
Claude Simon

postface de Mireille Calle-Gruber


couv la séparation
couverture dessinée par Pauline Nunez


Je pense à ce corps : jamais il n’aura connu, jamais elle, jamais un homme n’aura…… Exactement comme au jour de sa naissance ! C’est comme si tout ce qui dépassait de ses robes, les mains, la figure, avait jauni, vieilli, mais qu’en dessous elle était restée comme au premier jour : avec cette grosse tête disproportionnée qui fait qu’elle fait penser à un nouveau-né, vous savez : tout de suite, quand ils ont encore leur affreuse tête chauve et ridée de petits vieux, comme s’ils venaient au monde avec le visage qu’ils auront le jour de leur mort, hurlant, épouvantés, comme s’ils savaient déjà prophétiquement tout ce qui les attend… (Un temps.) Tout ce qui NOUS attend !… (Un temps.) Oui. La vallée de larmes… (Un temps.) Comme si Dieu nous envoyait sur terre avec le visage que nous aurons quand il nous rappellera à lui. Comme si quelque part il y avait ces interchangeables têtes ridées et qu’on les reprenne simplement chaque fois pour les remettre telles quelles sur un corps neuf sans même prendre la peine d’effacer les traces de tout ce qu’on a souffert.


La séparation
est la seule pièce de théâtre écrite par Claude Simon, dont le texte est resté inédit jusqu’alors. Jouée à Paris, au Théâtre de Lutèce en 1963, en pleine querelle du nouveau roman, elle déclencha polémique et malentendu. Là où l’on attendait un avant-gardisme démonstratif, Claude Simon se référait à la tragédie grecque et livrait, sur les motifs de son roman L’herbe, paru en 1958, une œuvre profondément originale et inattendue. Il se saisit de l’irrémédiable présent du théâtre, et sans fin les protagonistes de La Séparation peuvent se donner la réplique, se dupliquer, se doubler, recommencer à ne pas se séparer.
Le texte de la pièce est accompagné d’un cahier iconographique de 16 pages, et d’une postface de Mireille Calle-Gruber, et d’annexes (interview de Claude Simon pour Le Monde, notes inédites de Claude Simon sur le théâtre et sur la mort de sa tante Mie).

La séparation, bien plus que la mince cloison entre le cabinet de toilette de Louise et celui de sa belle-mère, Sabine, bien plus que le départ imminent de la jeune femme qui songe à quitter son mari, Georges, bien plus même que la mort de la vieille tante de Georges qui agonise dans la pièce voisine, ne serait-ce pas cette fragile enveloppe, à l’intérieur des êtres qui persiste à isoler, de ce qu’ils disent et font, ce qu’ils sont : l’écran qui les empêche, à la limite, de “s’entendre” eux-mêmes ?
Pourtant, les mensonges que Louise et Georges, et la mère et le père de Georges, prodiguent aux autres ou à soi sous les dehors d’une famille bourgeoise respectable et unie sont, à leur insu, de terribles témoins. Tout se passe sous les mots qu’on prononce, comme le tracé d’un ruisseau souterrain est révélé dans les champs par une herbe plus verte. La seule eau qui coule claire, le seul être qui soit ici vrai, on ne l’entend ni le voit et il est en train de mourir. Mais les autres, depuis quand ont-ils cessé de vivre ?”

Claude Simon




couv la séparation
19 euros TTC
Parution : 29 janvier 2019
ISBN : 978-2-490356-04-1
160 pages
Ouvrage publié avec le soutien du Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté
et de l’association « Archive. Claude Simon et ses contemporains »


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La séparation est une œuvre à la beauté crépusculaire, qui conjugue l’effroi fasciné par la chair vouée à charogne et une lucidité de Jugement Dernier. Mais sans recours à Dieu. La puissance, morbide et vitale, qui habite le texte au dessin sobre est d’autant plus impressionnante qu’elle est feutrée. Tout y est cris et chuchotements, dans un huis clos familial proche d’un Bergman ou d’un Tchekhov. ” Mireille Calle-Gruber



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